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Elisa Jouannet

Spiritualité toxique

Au commencement des cours de Yoga, l'invitation est parfois donnée d'observer ses pensées "sans se juger", de "laisser couler" ou "lâcher prise" et surtout de "faire ce que l'on peut" (tout en contraignant bien souvent nos corps pour faire comme la/le prof ou la personne d'a côté).


Bien que la plupart de ces conseils/invitations/guidances soulignent une intention joyeuse de prendre soin de soi, qu'en est-il du vécu de chacun.e ?


  • Se juger fait partie de l'expérience humaine. Nous internalisons beaucoup de jugements via notre éducation, l'école, le système qui nous pousse à penser que nous avons besoin d'objets/diplômes/status pour être accepté.es socialement...

Donc déjà que le jugement fait partie de nos expériences psychiques, est-ce vraiment utile de se juger de se juger ? Demandé autrement : comme pourrions-nous arrêter de nous juger si nous avons peur de nos propres pensées ? Ne pourrions-nous pas simplement prendre un temps pour écouter nos pensées/jugements et se rappeler que tout ce qui traverse notre mental n'est pas forcément vrai ou bienveillant ? (et que c'est ok) ? Parce que le Yoga nous invite fondamentalement à la pleine conscience de Soi, donc dans cet élan d'accueillir ce qui est là, être présent et présente à nos jugements, c'est du Yoga!


  • Le lâcher prise est souvent confondu (et utilisé par les systèmes d'oppression en place) avec un "je me laisse faire ou marcher sur les pieds". Dire NON, c'est du Yoga. Poser des limites et respecter ses besoins, c'est du Yoga. Dire oui à tout sous prétexte qu'il "faut être zen", c'est se faire berner par une image préfabriquée, irréaliste et dangereuse pour notre intégrité et liberté.

Là aussi, l'envie de légèreté et simplicité dont parle le lâcher prise donne envie, et les besoins derrière sont légitimes et compréhensibles. Par contre, utiliser cette mode au profit de dynamiques relationnelles, hiérarchiques (au travail, en privé ou face à la personne qui donne le cours de yoga), là c'est tout simplement de l'abus. Alors, repensons notre vision du bien-être ou mieux-être en nous rappelant qu'une agressivité saine et adaptée à la situation est tout à fait cohérente dès que nos limites sont dépassées (mentales, physiques, verbalement ou physiquement) ! et ça aussi c'est du yoga. L'image du petit Bouddha contemporain que rien n'atteint, c'est du spiritual bypassing! (prochain article sur le sujet)


  • Souvent, le contraste est saisissant entre des propositions de posture où chaque personne fait ce qu'elle peut et que "tout est ok on respecte son corps" et puis les félicitations dès qu'une personne réussit la forme demandée.

Quelle incongruence! Et quelle démonstration d'un rachat performatif du Yoga réduit à des positions, des contorsions même, impossibles pour la plupart d'entre nous. Alors oui, les asanas/postures offrent de multiples bénéfices pour palier à la sédentarité de nos modes de vie actuels, mais elles ne sont en rien le but de la pratique. Pourtant, les cours de Yoga sont très souvent organisés autour d'elles, présentant une posture "phare" ou "avancée" qui clive et stigmatise les élèves entre ceux/celles qui y arrivent et les autres qui "font ce qu'elles peuvent" tout en rappelant le lâcher prise, qui prend un goût alors bien amer...

Sortons de ces clichés posturaux normatifs et excluant pour nous rappeler que Yoga = spiritualité. Et le pratiquer, c'est autant en marchant, jardinant, écrivant ou contemplant.


Chaleureusement,

Elisa




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1 commentaire


l y a quelques secondes

c'est tellement bien dit que nous pourrions dire: ne pensons pas que posture mais essentiellement re connexion à soi grâce au yoga avec cette possibilité de prendre soin de soi en mode je me détache, je lâche prise pour mon bien et apprendre ainsi pour cela à poser ses limites.

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